Andre Tinio est beaucoup de choses à la fois : Albertain, travailleur social, enfant d'immigrants philippins, mais plus récemment, il a également été atteint de tuberculose (TB) et plaide désormais en faveur d'un monde où personne d'autre n'aura à souffrir de cette maladie. Et il le fait ici même, sur la Colline du Parlement, en se joignant à des agent.e.s de changement de partout au Canada et dans le monde pour notre Journée de plaidoyer contre la TB le 25 septembre dernier.
Alors que des dizaines d'agent.e.s de changement, des survivant.e.s aux professionnel.le.s de la santé et aux expert.e.s en politiques, se sont rassemblé.e.s à Ottawa pour discuter avec les leaders et exhorter le Canada à #MenerLaLutte contra la TB, ce sont des voix et des expériences comme celles d'André qui nous poussent à lutter contre la maladie infectieuse la plus mortelle.
[RC] Bonjour André, merci de vous joindre à nous. Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience avec la TB ? Tout ce que vous souhaitez partager 😊
On m'a diagnostiqué une TB fin juillet 2024. Mes symptômes étaient atypiques, car je ne présentais aucun symptôme pulmonaire au moment de mon admission à l'hôpital. Je présentais des symptômes d'appendicite et, après examen et 10 jours d'hospitalisation, on m'a diagnostiqué une TB de l'estomac, du côlon, des vertèbres L2 + L3 et des poumons. Le moins que l'on puisse dire, c'est que j'étais gravement malade.
J'ai remarqué que je commençais à me sentir mal en mai, que je perdais lentement du poids et que je ressentais davantage de fatigue et un malaise général. Je ne soupçonnais pas la tuberculose en raison de l'absence de symptômes pulmonaires. J'ai donc été très choquée lorsque j'ai reçu le diagnostic officiel et que j'ai appris à quel point la maladie était grave. Mon parcours de guérison grâce à un traitement médicamenteux officiel allait durer une année entière. Compte tenu de la gravité de mon cas, je n'ai constaté aucune amélioration avant novembre. D'août à octobre, j'ai souffert de douleurs intenses à l'estomac et au dos, qui ont affecté ma mobilité.
Cela a changé ma vie, car j'ai dû suivre un traitement médicamenteux sous forme d'appels vidéo, de consultations mensuelles avec mon équipe médicale, de rendez-vous pour des examens d'imagerie diagnostique, tout en conciliant mes obligations professionnelles et personnelles.
J'ai officiellement arrêté de prendre des médicaments en août, mais je vais devoir continuer à surveiller mon état de santé pendant un an et à me rendre à des rendez-vous de suivi chez mon médecin généraliste, mon spécialiste TB et mon radiologue. Je souffre de douleurs chroniques au dos et au bas du corps et je concentre désormais mon énergie et mes efforts sur la préservation de mon dos et la mise en place de bonnes stratégies et habitudes pour maintenir et améliorer ma santé et mon bien-être général.
[RC] Comment avez-vous surmonté cette épreuve et qu'est-ce qui vous a permis de tenir le coup pendant votre maladie ?
La thérapie et le fait d'être honnête et transparent avec mes amis, ma famille et mes collègues au sujet de mon parcours. Parfois, lorsque nous donnons des conseils aux personnes malades, nous les formulons à travers le prisme d'une positivité toxique ou en leur disant « ça pourrait être pire ». Je pense qu'il est plus utile de valider et de soutenir les personnes qui sont malades en général. Il est également utile d'offrir une oreille attentive et sans jugement ou de proposer des offres/tâches spécifiques à ceux qui sont malades. Il est également important d'être cohérent dans votre aide et vos offres. Cependant, je tiens à souligner que lorsque vous êtes en mesure d'aider une personne malade ou atteinte de tuberculose, vous devez garder à l'esprit votre propre bien-être et vos limites. L'épuisement des aidant.e.s et le burnout compassionnel sont bien réels.
[RC] Qu'est-ce qui vous passionne le plus dans votre plaidoyer en faveur de la lutte contre la TB ?
Je suis passionné par l'éducation et la sensibilisation des gens à la santé publique et à l'importance des programmes sociaux et du soutien des aidant.e.s et des ami.e.s. Lorsque j'étais malade, j'ai compris pourquoi certain.e.s aidant.e.s peuvent avoir des difficultés, car les rendez-vous médicaux et l'observance du traitement peuvent être accablants pour toutes les personnes concernées. Il devrait y avoir une collaboration entre les gouvernements et les organismes communautaires afin d'offrir des plans de traitement plus solides et personnalisés aux patients diagnostiqués avec la TB. Par exemple, la thérapie est coûteuse en Alberta. J'ai connu d'énormes difficultés sur le plan de la santé mentale et j'avais besoin d'un suivi régulier. C'est pourquoi la thérapie devrait être une option de soins de santé de base pour tous et être abordable.
De plus, le fait d'avoir pu conserver mon emploi et de m'assurer un travail lorsque j'ai été touchée par le TB a fortement contribué à ma survie, car mon lieu de travail s'est montré flexible et accommodant à ma situation. Je sais que ce n'est pas le cas partout, c'est pourquoi il faut militer pour que tous les malades bénéficient d'une protection solide au travail et d'aménagements adaptés.
[RC] Selon vous, que peut faire le Canada pour progresser dans la lutte contre le TB ?
En plus de ce que j'ai mentionné ci-dessus, le Canada peut également jouer un rôle de premier plan dans l'investissement dans l'amélioration et la fabrication des médicaments contre la TB. Lorsque j'ai terminé mon traitement ces derniers mois, mon équipe médicale a dû rationner l'un de mes médicaments en raison d'une pénurie chez le fabricant aux États-Unis. À l'heure actuelle, il ne devrait y avoir aucune pénurie de médicaments pour traiter quelque maladie que ce soit. Le Canada peut investir dans ce domaine et devenir un chef de file, car le médicament que j'utilisais est archaïque. Ce médicament et ses effets secondaires étaient brutaux. Le Canada peut investir et trouver de nouveaux médicaments à tester afin que les médicaments du passé puissent être progressivement éliminés et que de nouvelles options de traitement efficaces puissent être proposées pour aider les personnes malades à se réintégrer rapidement, efficacement et en toute sécurité dans la société.
[RC] Pour conclure, avez-vous un dernier mot à offrir, en particulier à nos agent.e.s de changement bénévoles qui luttent pour susciter la volonté politique au Canada de lutter contre la TB ?
Nous avons toustes un rôle à jouer dans la lutte contre TB et dans la promotion de la santé publique. Trouvez ce qui vous tient à cœur et spécialisez-vous dans ce domaine. Qu'il s'agisse d'un engagement local, d'un travail direct avec les responsables politiques ou de la fourniture de traitements en tant qu'infirmier.ière, les possibilités sont infinies. Nous avons tous la responsabilité de veiller à créer une société où le TB est éliminé et où notre système de santé peut réagir de manière réactive et proactive. Choisissez une action, aussi minime soit-elle à vos yeux, et passez à l'action. Cette petite action aura des répercussions, même si vous ne les voyez pas.
Andre est né et a grandi dans une région rurale de l'Alberta, puis a déménagé dans les grandes villes de la province pour poursuivre ses études supérieures : il a obtenu un baccalauréat en sociologie à l'Université de l'Alberta et un baccalauréat en travail social à l'Université de Calgary. Il est aujourd'hui travailleur social agréé à l'Alberta College of Social Workers et consultant auprès de la ville d'Edmonton.