Lorsqu’on lui demande ce que le Canada devrait faire en réponse à la pandémie de COVID-19, Dre Françoise Bigirimana croit qu’on peut apprendre de notre expérience en matière de lutte contre le VIH : « Le contexte actuel avec la vaccination contre la COVID-19 me rappelle ce qu’on a vécu dans les années 1990 lorsque le traitement contre le VIH était couronné de succès en Europe et en Amérique du Nord, mais que les capacités manquaient dans les pays à faible revenu. C’était si triste de voir mourir un grand nombre de personnes dans mon pays (le Burundi). Les inégalités en matière de traitement contre le VIH se faisaient vivement ressentir, malgré le fait que le virus n’avait pas de frontières ».
Dre Françoise Bigirimana œuvre à éliminer le VIH/sida depuis le début de sa carrière en médecine. Aujourd’hui, elle travaille pour mettre fin à la transmission mère-enfant du VIH au Bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la santé. Dès les premiers jours de sa carrière, elle s’est spécialisée dans la prévention et le traitement contre le VIH, avec une attention particulière pour les femmes et les enfants.
« En 1990, la majorité des patient.e.s dans mon département à l’hôpital de Bujumbura au Burundi étaient des femmes vivant avec le VIH. Lorsque je travaillais de nuit, je voyais des enfants dormir sous les lits des mères hospitalisées alors que cela n’était pas permis. Les mères qui se retrouvaient à l’hôpital pour une longue période n’avaient plus les moyens de payer leur appartement et leurs enfants se retrouvaient donc sans domicile. Même si les mères étaient en souffrance, elles continuaient de prendre soin de leurs enfants en les gardant près d’elles. »
« J’ai été sous le choc d’apprendre que plusieurs femmes avaient été abandonnées par leurs maris et leurs familles. J’ai beaucoup appris sur les inégalités de genre et je me suis alors impliquée dans la lutte contre le VIH/sida afin d’appuyer les femmes vivant avec le VIH ainsi que leurs enfants ».
Dre Françoise Bigirimana a commencé son travail de plaidoyer dans les années 1990 et a fondé deux organisations non gouvernementales : Society of Women and AIDS in Africa et Famille pour Vaincre le SIDA. Elle s’est rendue dans plusieurs pays pour promouvoir un accès équitable aux traitements contre le VIH. Dre Françoise Bigirimana poursuit encore aujourd’hui son travail de plaidoyer en vue de favoriser l’autonomisation des femmes et a même publié un livre intitulé The Woman’s Resilience.
En 2004, Dre Françoise Bigirimana a rejoint l’Organisation mondiale de la santé afin d’élargir la portée de ses actions et de renforcer l’accès aux traitements contre le sida en Afrique. À l’époque, 2 % de la population vivant avec le VIH avait accès aux traitements en Afrique. « En 2020, grâce à la mobilisation à l’échelle mondiale, plus de 27,4 millions de personnes avaient accès à des traitements, dont 20 millions (74 %) en Afrique. »
Dre Françoise Bigirimana a aussi vu de ses propres yeux les effets de la pandémie sur les services de santé, incluant ceux visant à éliminer le VIH et la transmission mère-enfant. « En avril 2021, les soins prénataux et postnataux ont été interrompus dans 39 % des pays. 49 % des femmes enceintes n’avaient alors plus accès au test de VIH et 17 % ont dû interrompre leur traitement », selon un sondage mené par l’OMS.
« L’équité est un principe clé lorsqu’on parle de santé mondiale, un principe qui a d’ailleurs été adopté par les 194 États membres de l’OMS afin d’assurer la santé et le bien-être de toutes et de tous. Ce principe doit aussi s’appliquer à la réponse mondiale contre la COVID-19 en faisant preuve de solidarité internationale pour mettre fin à la pandémie de façon équitable ».